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Pesticides: aux États-Unis, c'est le désherbant dicamba qui sème la polémique

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Un agriculteur de l’Arkansas porte un T-shirt sur lequel on peut lire « Les agriculteurs ont besoin du dicamba » pendant une réunion publique, le 8 novembre 2017, à Little Rock. Photo AFP


Dans la grande famille des pesticides, il n'y a pas que le glyphosate qui pose problème. Outre-Atlantique,  l'usage d'un autre désherbant commercialisé par Monsanto et BASF, largement répandu aux Etats-Unis et au Canada, le dicamba, suscite de vives controverses qui illustrent bien les ravages causés sur l'environnement par l'usage des OGM et la course aux pesticides. 

"Autorisé trop rapidement"

Ce désherbant est utilisé sur les mauvaises herbes résistantes au glyphosate. Mais l'herbicide est très volatil et détruit une part importante des cultures environnantes et "son homologation", selon un article publié par Courrier international, le 9 septembre 2017, "semble avoir été autorisée trop rapidement". Pourtant, une étude datant de 2004, montre que même à très petites doses, le dicamba est 75 à 400 fois plus dangereux pour les plantes qu’il touche accidentellement que le glyphosate. Il est particulièrement toxique pour le soja qui n’a pas été génétiquement modifié pour lui résister. Bref, l'histoire du dicamba, largement utilisé par les jardiniers amateurs outre-atlantique comme le Roundup en Europe et en France, n'est pas sans rappeler celle de l'"Apprenti sorcier", le film d'animation de Walt Disney... Sauf qu'elle risque de finir beaucoup plus mal.

Le dicamba, késaco ? 

Herbicide commercialisé depuis les années 1960, le dicamba était jusqu’à récemment uniquement utilisé par les agriculteurs avant que les plantes ne sortent de terre. Mais Monsanto a développé des semences de soja et de coton génétiquement modifiées pour, entres autres, tolérer ce produit. De nouvelles versions du dicamba pouvant être épandues dans les champs plus tard dans la saison ont dans la foulée été autorisées. Commercialisées par Monsanto, BASF et DuPont, elles ont été rapidement prisées par de nombreux producteurs pour leur efficacité à combattre des mauvaises herbes devenues résistantes à d’autres herbicides comme le glyphosate. 

 « La volatilité et à la dispersion physique par les airs »

Le hic, c'est que certains agriculteurs se plaignent que le produit a tendance à se disperser au-delà des champs sur lesquels il est pulvérisé, affectant au passage le soja non modifié génétiquement pour lui résister. L'Agence américaine de l’environnement (EPA) rapporte que le dicamba s'est propagé involontairement sur environ 4% des champs de soja du pays. "A partir de mai-juin 2017, l’EPA a commencé à recevoir des rapports faisant état de dégâts importants sur les récoltes dus à l’éparpillement du dicamba en dehors des champs" sur lesquels il était appliqué, indique un document de l’agence, publié sur son site internet en juillet, à l’occasion d’une rencontre sur les pesticides réunissant des acteurs du secteur (agriculteurs, agro-chimistes, associations de protection de l’environnement, chercheurs en agronomie, etc).

Nouvelles consignes d'utilisation

L’EPA indiquait avoir reçu depuis le mois de juin, 2 400 rapports d’agriculteurs à propos du dicamba, en provenance d’Arkansas, du Missouri et du Tennessee. Selon ces rapports, l’agence américaine indique que les dommages sont liés à "la volatilité et à la dispersion physique par les airs" du dicamba lors de son application. Et de préciser que les cultures endommagées incluent "sans y être limitées, du coton non tolérant au dicamba, des cultures ornementales, des légumes comme des tomates, certaines espèces d’arbres, ainsi que des espèces de pastèque et de raisin". "Des rapports qui ont obligé l’EPA a publié une nouvelle note de conformité pour rappeler que les autorisations commerciales ont été données sous restrictions", explique Inf'OGM sur son site Internet : "pas d’application par avion, pas d’application si la vitesse du vent est supérieure à 15 miles par heure (soit environ 24 km/h), application seulement à l’aide de tuyaux pressurisés de manière spécifique et mise en place de zones tampon selon la direction du vent..."

2 708 réclamations liées au dicamba

Les agriculteurs touchés ont en général fait état de feuilles qui se bombent et se plissent. Les moissons de soja étant encore en cours, l’impact sur les rendements n’est pas encore connu. Au total, quelque 2 708 réclamations liées au dicamba avaient été déposées au 15 octobre dernier auprès des agences en charge de l’agriculture dans les Etats où il est autorisé, selon le document de l’EPA. Près de 1,5 million d’hectares de soja ont été touchés ainsi que des champs de tomates, de pastèques, de melons, de citrouilles, de légumes, de tabac, des vignes, voire des jardins de particuliers, détaille l’agence. Face à ces dommages, certains Etats ont pris des mesures. En juillet 2017, le Missouri et le Tenessee restreignaient l’utilisation du dicamba. Le même mois, l’Arkansas interdisait jusqu’en avril 2018 la vente et l’utilisation de l'herbicide en agriculture (avec des exceptions comme pour le jardinage). 

"Nous continuons à écouter les remarques des acteurs concernés et surveillons si les changements récents apportent des améliorations afin de décider si nous continuerons à autoriser l’utilisation du dicamba sur les plantes déjà levées au-delà de la saison 2018", a indiqué à l’AFP un des porte-parole de l'EPA. "Notre objectif est de prendre une décision l’année prochaine à temps pour que les agriculteurs puissent acheter leurs semences en toute connaissance de cause pour la saison suivante", a-t-il ajouté. 

Les causes de l’éparpillement du désherbant font l’objet d’un débat, les fabricants mettant en cause une mauvaise utilisation du produit par les agriculteurs tandis certains chercheurs et fermiers mettent plutôt en avant la nature même du produit, prompt selon eux à s’évaporer et à dériver dans l’air.

"La course aux armements dont les paysans sont prisonniers"

Les nouvelles semences génétiquement modifiées par Monsanto pour résister au dicamba ont été utilisées en 2017 sur environ 8 millions d’hectares de soja. Le groupe américain ambitionne de doubler cette superficie l’an prochain: "la course aux armements dont les paysans sont prisonniers", écrit Courrier International, "entre des herbicides de plus en plus puissants et des mauvaises herbes de plus en plus résistantes va continuer".  Jusqu'à quand et avec quelles conséquences pour l'environnement et la santé humaine ?

Cathy Lafon 

Sources AFP, Courrier International, Inf'OGM,le site de veille citoyenne d'information sur les OGM et les semences.

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