Grand frisson garanti ce mercredi, avec le retour triomphal de "l'Empereur" au cinéma
"L'Empereur", la suite des aventures des manchots en terre Adélie est en salle ce mercredi. Photo "L'Empereur", Luc Jacquet
Douze ans après l'énorme succès de "La Marche de l'empereur", Oscar 2006 du meilleur film documentaire, Luc Jacquet et son équipe sont repartis sur les glaces de l'Antarctique, à la rencontre du manchot empereur, espèce emblématique menacée par le changement climatique, avec l'aide précieuse du chercheur Christophe Barbraud, conseiller scientifique de ces deux films, qui suit depuis vingt ans la colonie de manchots empereurs présentée à l'écran. Résultat, "L'Empereur", un deuxième film aux images époustouflantes, toujours aussi émouvant et fascinant, à voir en famille.
Histoire d'un apprentissage
Après avoir magistralement raconté la période de reproduction d'un groupe manchots empereurs, du moment où ces oiseaux arrivaient à la colonie jusqu'au départ des poussins vers la mer, dans ce deuxième opus, le documentariste suit cette fois une "famille", des parents et leur poussin qui affrontent les éléments au péril de leur vie, montrant ce qui pousse les manchots à plonger dans la mer pour y trouver leur nourriture. La première séquence du film, un vieux mâle qui cherche son petit dans une colonie constituée d'individus impossibles à distinguer les uns des autres, suscite immédiatement l'empathie...
Smoking noir
C'est que le manchot empereur, ce volatile en smoking noir, avec sa drôle de silhouette humaine, est, peut-être, l'espèce australe la plus étonnante et la plus attachante. Le poussin parviendra-t-il à s'en sortir? Comment va-t-il apprendre à survivre et à trouver le chemin de l'océan polaire ? L'assimilation de son destin au nôtre est immédiate et on ne manque pas de frissonner et de s'émouvoir de ses conditions de vie si difficiles, au coeur d'un univers glacé et hostile, insupportable pour l'homme. D'autant plus que le réchauffement climatique menace, à terme, tout simplement la survie d'une espèce qui a su développer au cours des millénaires des stratégies d'adaptation et de survie incroyables.
Sentinelle du climat
Car aujourd'hui, ce n'est plus une question mais une certitude : en Antarctique, la température de l'eau se réchauffe et le cycle de la banquise se transforme. Véritable sentinelle des glaces au coeur de la mécanique australe, le manchot empereur joue le rôle de bio-indicateur de ce territoire hors norme, mais aussi du réchauffement climatique de la Terre. Saura-t-il faire face au changement en cours ? Pour anticiper l'avenir des colonies, les scientifiques ont réalisé un modèle qui prend en compte la dynamique des populations d'empereurs et les prédictions du Giec sur l'étendue des glaces de mer. Si ces prédictions se révèlent justes, dans 100 ans, il ne restera plus que deux refuges pour les manchots empereurs : l'un au bord de la mer de Ross et l'autre au bord de la mer de Weddell. Les colonies situées en dehors risquent de décliner fortement et de disparaître. Une colonie sur la péninsule Antarctique a déjà disparu. Or c'est là que les changements climatiques sont les plus rapides...
De "La Marche de l'empereur" à "L'Empereur", en douze ans, le milieu naturel de ces animaux s'est détérioré. L'immensité du continent glacé ne suffit pas à les protéger de la catastrophe climatique qui menace l'ensemble de la faune et de la flore arctique, comme le laisse entendre le commentaire, sobre et inquiétant de Lambert Wilson. Sans sombrer dans l'anthropomorphisme, les aventures du petit empereur et de ses parents sont là pour nous alerter et nous pousser à réagir. Avant qu'il ne soit trop tard, pour les manchots et pour la planète.
►A VOIR : "L'Empereur", documentaire de Luc Jacquet (France). Texte dit par Lambert Wilson. Durée : 1 h 24. En salle ce mercredi.
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►PLUS D'INFO
- Sur Luc Jacquet. Passionné par l’Antarctique, à 49 ans, Luc Jacquet n’a jamais cessé, depuis sa première expédition à l’âge de 23 ans, d’y retourner. "L'Empereur" est son troisième film réalisé en Antarctique après "La Marche de l’Empereur" et "La Glace et le Ciel". Ecologue de formation, le réalisateur utilise le cinéma "afin de donner une caisse de résonance à des hommes qui produisent une connaissance qui n’est pas entendue". Il a dans ce but fondé l’ONG Wild-Touch, spécialisée sur les questions du développement durable.
- Sur le manchot empereur. Il est le seul être animal vivant à se reproduire dans les conditions extrêmes de l'hiver antarctique où les températures peuvent descendre jusqu'à -35°C. Son corps ovoïde aux ailes tronquées, qui limite au maximum la prise d'air, est recouvert du plumage le plus dense de toute l'avifaune, solidement tricoté sur quatre couches. Son mécanisme de survie est réglé au jour et au degré près. Il suffit d'un printemps anormalement doux et pluvieux pour que les bébés de la colonie meurent de froid, leur plumage n'ayant pas eu le temps d'épaissir suffisamment et de devenir étanche à l'eau. Ou que les eaux douces relâchées dans l'océan par la banquise, après avoir fondu en quantité anormale, gèlent de nouveau en s'étendant encore plus et sur une épaisseur plus importante, éloignant d'autant l'eau libre de la colonie, si bien que les parents manchots se voient contraints de se dandiner à pied sur 80 km afin d'aller chercher et rapporter leur nourriture à leurs poussins, qui finissent par mourir de faim, épuisés, en les attendant. En 2014, les conséquences du réchauffement climatique ont ainsi anéanti la reproduction entière d'une colonie de manchots Adélie.