Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Et cette loi sur la biodiversité ? Où en est-on ?

projet de loi,biodiversité,sénat

Dans la discussion du projet de loi sur la biodiversité, le Sénat a annulé l'interdiction totale des pesticides néonicotinoïdes, responsables pour partie de l'extinction de nombreuses colonies d'abeilles, votée en première lecture par les députés. Photo archives Sud Ouest

Pas de 49-3 pour protéger en urgence la nature... Après son examen par les députés, l'ambitieux projet de loi sur la biodiversité, dit "pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages", est arrivé le 10 mai dernier dans l'indifférence générale en seconde lecture au Sénat, où il a été voté après discussion le jeudi 12 mai et, comme on pouvait le craindre, retaillé à la tronçonneuse.

Les sénateurs ont joué à "l'écologie, ça commence à bien faire", un jeu où ils ne sont pas si mauvais, en supprimant ou en réduisant à peau de chagrin les articles du texte de loi les plus emblématiques et, surtout, les plus pertinents pour sauvegarder l'environnement. Revue de détail.

Pour ceux qui l'auraient oublié, rappelons d'abord que ce projet de loi vise à clarifier les principes et outils de la protection de la biodiversité, rénover la gouvernance de la biodiversité, avec en particulier la création de l’Agence française pour la biodiversité et enfin mettre en place un dispositif d'accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des ressources (APA).

A la trappe

Sont donc tombés au champ d'honneur des causes environnementales, l'absence de perte nette, voire de progression de la biodiversité, pour les actions de compensation aux atteintes qui lui sont faites. Egalement éliminé, le principe de non-régression du droit de l’environnement. Quant aux préjudices écologiques, la voilure est aussi nettement réduite : ne sont tenues de les réparer que les personnes responsables d’un dommage qualifié de "anormal". Qui définira cette '"anormalité" ? En quoi, d'ailleurs, un dommage sur la nature peut-il être considéré comme "normal "?

En plus

projet de loi,biodiversité,sénatEn revanche, les sénateurs qui savent aussi enrichir à (leur) bon escient un texte de loi, ont ajouté en séance publique, une mention selon laquelle "lorsqu’un projet d’intérêt général conduit par une collectivité publique est susceptible de porter une atteinte réparable à la biodiversité, les mesures de compensation exigées ne doivent ni par leur coût, ni par leur délai, être de nature à remettre en cause le projet". Oups. Voilà un bien beau pavé dans le bocage des opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ! Et par la même occasion, bien intéressant pour les projets d'infrastructure similaires à venir qui pourraient être contestés, au vu de leur impact écologique sur la nature. En gros, un permis pour continuer à bétonner sans se gêner le sol français. De même, la possibilité est ouverte aux communes d’exonérer de taxe foncière sur les propriétés non bâties les propriétaires ayant conclu une obligation réelle environnementale.

Disparus

Le Sénat a aussi tout simplement supprimé la contribution additionnelle à la taxe spéciale sur les huiles végétales, pour les huiles de palme, de palmiste et de coprah, dite "taxe Nutella", de même que les zones prioritaires pour la biodiversité, qui avaient fait leur retour à l’Assemblée, et qui visaient à empêcher la dégradation des habitats d’espèces protégées.

Rabotés

Pour l'utilisation de ressources génétiques à des fins industrielles, les contributions dont devront s’acquitter les entreprises aux autorités compétentes ont également subi un sérieux coup de rabot, et elles sont passées d’un maximum de 5% à un maximum de 1% du chiffre d’affaires annuel mondial.

Retoqués

projet de loi,biodiversité,sénatEt les néonicotinoïdes, ces pesticides néfastes pour les abeilles ? Le 17 mars dernier, les députés avaient voté leur interdiction au 1er septembre 2018, avec une date butoir d'interdiction totale au 1er juillet 2020. Là aussi, les sénateurs ont aussi revu l’ambition à la baisse : la date butoir de 2020 est supprimée.

Par ailleurs, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) chargée depuis juillet 2015 de délivrer les autorisations de mise sur le marché des pesticides, devra fournir, "au plus tard le 31 décembre 2016, le bilan bénéfice-risque des usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes autorisés en France, par rapport aux produits de substitution ou aux méthodes disponibles". Ce bilan porte sur les impacts sur l’environnement, notamment sur les pollinisateurs, sur la santé publique, sur l’activité agricole et sur les risques d’apparition de résistance dans l’organisme ciblé et doit les  comparer aux bénéficies pour les activités agricoles (et ceux des industries chimiques). C'est sur la base de ce rapport que l'Anses, décidera de les interdire ou non, sans passer par le ministère de l’agriculture.

Pourquoi faire demain ce que l'on aurait dû faire hier mais que l'on pourra faire après-demain ? On se le demande.

Concernant la biodiversité, les jeux ne sont donc pas encore faits. Prochaine étape du projet de loi : l’examen en commission paritaire, où l’Assemblée et le Sénat tenteront de se mettre d’accord sur une version commune. En cas d’échec, ce sont les députés qui auront le dernier mot. Oui, mais lequel ?

Cathy Lafon

►LIRE AUSSI

Les commentaires sont fermés.