Initiative : l'île d'El Hierro vise l'autosuffisance en électricité "verte"
Les cinq éoliennes d'El Hierro. Photo Längengrad Filmproduktion, Arte
El Hierro, petite île de l’Atlantique au large de l’Afrique, dans l’archipel des Canaries, se bat depuis deux ans pour devenir autosuffisante en électricité "verte" produite grâce au vent et à l’eau. Un défi qui intéresse des chercheurs du monde entier et que Arte nous avait fait découvrir dans sa série documentaire "Les îles du futur", diffusée en novembre 2015, à la veille de la COP21.
La bonne nouvelle, c'est qu'elle est bien partie pour y parvenir : le 15 février dernier, la centrale hydro-éolienne de l'île a produit pendant plus de 24 heures toute l’électricité nécessaire aux 7.000 habitants, une première.
La centrale de Gorona del Viento qui produit l'électricité des habitants d'El Hierro, a pour particularité d'associer cinq éoliennes plantées sur une colline, d’une capacité totale de 11,5 MW, et deux bassins de rétention d’eau séparés par 650 mètres de dénivelé, avec des turbines hydrauliques d’une puissance de 11,32 MW. Quand le vent tombe, l’eau est relâchée du bassin supérieur vers le bassin inférieur et les turbines prennent le relais. La centrale assure aussi le fonctionnement des usines de dessalement d’eau de mer, vitales sur une île. Une combinaison innovante de deux énergies vertes, l’éolien et de l’hydraulique, très prometteuse, car elle offre une solution au problème de l’intermittence des énergies renouvelables.
S'affranchir du diesel
Cela fait trente ans que l'île d’El Hierro rêve de s’affranchir de sa dépendance au diesel, apporté par bateau depuis l’île Tenerife à près de 300 km de là, après un long voyage dans l’Atlantique. Lors de la mise en service de Gorona del Viento, en 2014, l’objectif était de couvrir 100% de la demande d’électricité en quelques mois. Un peu trop ambitieux. Aujourd’hui, "la moyenne est d’environ 50%" et la centrale sort de la phase de rodage. Mais Bruxelles salue la belle performance, réalisée en seulement deux ans, l’objectif européen étant de parvenir à avoir 20% d’énergies propres d’ici 2020 dans l’UE. D'autant que depuis son inauguration, concrètement, la centrale a évité le rejet d’environ 9.000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Si la facture d'électricité n'a pas vraiment baissé pour les usagers,La Gorona a également déjà permis d’économiser 2.850 tonnes de fioul, selon l’entreprise d’électricité Endesa, co-actionnaire de la centrale avec l’autorité insulaire. Soit 1,2 million d’euros qui serviront à financer d’autres projets sur l’île.
Les retombées indirectes sur le tourisme
Réserve de la biosphère de l’Unesco, El Hierro est le plus petit îlot de l’archipel espagnol, un territoire volcanique de 269 km2 aux falaises écorchées où alternent pinèdes et champs d’ananas. On y fait aussi du vin et l’endroit est un paradis pour les randonneurs et les amateurs de plongée sous-marine en raison d’un climat subtropical et d’une faune très riche. Peu visitée, l'île veut aussi valoriser son image de territoire à l’énergie "100% renouvelable" pour attirer scientifiques et touristes. Depuis le début des travaux de la centrale en 2009, plus de mille personnes par an ont visité l’installation, générant de la richesse et de l'emploi...
Un modèle viable
Novateur et efficace, le projet est suivi à la loupe tout autour de la planète, surtout dans les îles dont les 600 millions d’habitants sont directement menacés par le réchauffement climatique, en partie provoqué par l’utilisation des énergies fossiles, mais pas seulement. Pour l’Agence internationale pour les énergies renouvelables, le modèle est viable et peut être copié, pour peu qu'on ait sous la main du vent et une colline ou une falaise pour le dénivelé... Des conditions fréquemment réunies dans les îles volcaniques.
100% d'énergies vertes, c'est possible
La centrale de Gorona del Viento en a fait la preuve : "100% d'énergies renouvelables" à El Hierro, c'est possible. Mais pour atteindre l'objectif, l'île doit encore surmonter des difficultés de deux ordres : convaincre REE, le gestionnaire du réseau électrique qu’il peut fonctionner avec 100% d’énergie verte sur de longues périodes, alors que sa priorité est qu’il n’y ait pas de panne et augmenter la capacité des réservoirs d’eau, pour pouvoir produire de l’électricité "verte" sans interruption toute l’année. Or les installations ont coûté 80 millions d’euros et la construction d’un nouveau bassin n’est pas prévue pour l’instant.
D’autres îles européennes comme Samsø, île danoise de la mer Baltique, au Danemark ou Eigg en Ecosse tentent elles aussi le pari d’une "énergie 100% renouvelable", mais leurs installations ne combinent pas l’éolien et l’hydraulique. Quant à El Hierro, elle caresse un autre rêve encore plus grand: devenir une île 100% "propre", avec un parc automobile tout électrique d’ici 2020, son agriculture biologique, son usine de biodiesel déjà ouverte et une gestion plus intelligente de la consommation d’électricité.
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