Télévision. "Irrespirable, des villes au bord de l'asphyxie ?" : une enquête choc à ne pas rater, ce soir, sur Arte
Paris en état d'alerte au pic de pollution. Photo Arte
Ce soir, à 20h50, on respire un grand coup, avant de plonger avec Arte au coeur de l'un l'un des dossiers les plus noirs de la planète : la pollution de l'air. Car le documentaire choc de Delphine Prunault, co-écrit avec Valérie Rossellini, "Irrespirable, des villes aux bord de l'asphyxie ?" va vous chatouiller les narines et vous couper le souffle. Vous voilà prévenus.
Urgence sanitaire n°1
La journaliste et réalisatrice a mené l'enquête neuf mois durant autour de la planète. Finalement, le plus grand danger environnemental pour la santé humaine, ce n'est pas le réchauffement climatique, mais bel et bien l'air que nous respirons, à chaque seconde, sans même y penser et surtout, sans pouvoir nous en passer. Car l'air, vital pour la survie de l'espèce humaine, est aujourd'hui vicié, toxique et gavé de dioxyde d'azote, de gaz et de particules fines (PM10) et ultrafines (PM2,5), et ce sur tous les continents, du nord au sud et d'est en ouest, dans les pays riches comme pauvres, en ville mais aussi en campagne.
"Le problème n'est pas irréversible"
Voilà pour le constat. La bonne nouvelle de ce film qui veut échapper au catastrophisme, c'est que "le problème n'est pas irréversible et que l'on peut le résoudre". Certains responsables politiques en témoignent. Mais aussi de nombreux scientifiques, dont les travaux s'efforcent de mettre en évidence l'ampleur du phénomène et son impact sur la hausse effarante dans de nombreuses régions du monde, des maladies respiratoires et cardiovasculaires, infections des poumons, asthme, cancers... A condition, toutefois, que les Etats réagissent et prennent les mesures drastiques qui s'imposent pour préserver la santé de leurs citoyens, insiste Delphine Prunault qui passe en revue les origines des différents composants chimiques de la pollution de l'air, le mécanisme des "smogs" qui asphyxient les villes, leurs conséquences sanitaires et les prises de conscience pour réduire leur dangerosité.
"Airpocalypse"
De Paris à Pékin (photo AFP ci-contre) en passant par New Delhi, la ville la plus polluée au monde avec 25 millions d'habitants et 8 millions de véhicules, Sao Paolo, Athènes ou encore Mexico, c'est l'"airpocalypse". Causée par nos modes de vie hyper carbonés et sur-industrialisé à tout-va, la pollution issue des cheminées des usines, des centrales thermiques au charbon, des gaz d'échappement des transports, des épandages d'engrais et de pesticides de l'agriculture, ou encore du chauffage et de la cuisine au bois dans les régions les plus pauvres du monde, est responsable chaque année de 7 millions de morts prématurées dans le monde, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans les 13 métropoles indiennes qui caracolent en tête des métropoles les plus polluées de la planète, les ravages de la mauvaise qualité de l'air causeraient 1,5 millions de morts par an.
Couvercle et nuage photochimique visible
Une pollution invisible ? Pas toujours. Chacun a en mémoire les images récurrentes de Pékin plongée dans le brouillard du "smog" de la pollution et celles de New Delhi, où l'on ne voit pas de l'autre côté du carrefour.
Ou encore, plus proches de nous, lors des pics de pollution en mars 2015, celles de Bordeaux (photo "Sud Ouest" ci-contre), Grenoble, Lyon, Strasbourg et bien sûr Paris, où la tour Eiffel émergeait péniblement d'une brume toxique.
Bien sûr, depuis le fameux épisode du grand "smog" de Londres en 1952 qui a fait 4.000 morts en quelques jours, le pic de pollution le plus meurtrier de l'Histoire, l'Europe a amélioré la qualité de son air et la situation est loin d'y être aussi grave que dans bien d'autres mégalopoles mondiales. Mais 13 Etats membres de l'Europe, dont la France, loin d'être exemplaire et où la capitale frôlait déjà l'asphyxie en janvier 1960, sont mis à l'index par Bruxelles pour leur non-respect des normes en la matière. Dans l'Hexagone, l'air que nous inhalons toute l'année est en moyenne plus mauvais que les préconisations de l'OMS et les stations qui enregistrent les concentrations de toxiques sont souvent au rouge.
"Black carbon"
Les gaz et les particules fines et ultrafines, dues notamment aux émissions du parc automobile diesel, se rajoutent aux fumées de la combustion du charbon, donnant naissance dans l'air à un cocktail chimique encore plus redoutable pour la santé humaine. En Chine, dans les grandes mégalopoles, à Pékin, la capitale, mais aussi à Shanghai, Canton ou Xi-an, on compte les jours où les enfants peuvent sortir jouer à l'extérieur et les habitants les plus aisés achètent des purificateurs d'air pour équiper leur domicile. A Sao Paolo, un médecin qui veut montrer le lien entre la hausse des maladies et la pollution de l'air, conduit une étude épidémiologique d'envergure et multiplie les autopsies. Toutes révèlent que les poumons des personnes décédées, loin d'être roses, sont noirs comme la suie ("black carbon)", y compris chez les non-fumeurs...
La pollution de l'air n'a pas de frontières
Nul ne saurait échapper au désastre de l'"airpocalypse", pas même les villes ou les pays les plus verts et les plus écologiquement vertueux, car la pollution de l'air, par définition, n'a pas de frontières. Ainsi, le "smog" de Pékin poussé par les vents peut arriver en Californie, en quatre ou cinq jours... Dur, dur, pour l'Etat américain en route pour le 100% énergies renouvelables et le zéro déchets. Et la tentation peut être grande alors pour les industriels locaux de rejeter la faute sur la pollution venue de l'étranger...
La Chine au pied du mur
Si le manque de courage global des responsables politiques et des élus est flagrant, les villes et les Etats ne restent pas tous sans rien faire. Londres, Mexico et Berlin (photo AFP ci-contre), par exemple, ont ainsi réduit de manière drastique la circulation automobile et amélioré la qualité de leur air. Paris prévoit de faire de même. Mais au Mexique, il faut lutter contre la corruption et du ras-le-bol d'habitants qui en ont assez de subir des contraintes au quotidien: une révolution culturelle "verte" est nécessaire. A Berlin, ville pionnière écolo, on n'a pas été jusqu'à interdire totalement les voitures diesel. Quant à la Chine, gangrénée par la corruption et victime de toute les formes de pollution industrielles possibles, sur terre, dans les eaux et dans les airs, comme l'a dénoncé le documentaire explosif de la journaliste chinoise Chai Jing, elle est désormais au pied du mur d'une catastrophe environnementale majeure. D'où la décision de Pékin de lancer un plan de 110 milliards d'euros pour améliorer la qualité de l'air dans le pays, d'ici à 2017.
Facture salée
Car si on ne la combat pas, la pollution atmosphérique a un coût pour les Etats et la note est salée. En Europe, où, selon l'OMS, elle a causé la mort prématurée de 600.000 personnes en 2012, son impact sanitaire est évalué à 1,4 milliards d'euros par an. Selon la sénatrice française écologiste Aline Archimbaud, si les politiques ne s'attaquent pas au plus vite au problème, le prochain scandale sanitaire après celui de l'amiante, sera celui de la pollution de l'air. Et il sera d'autant plus énorme que les autorités sont désormais dûment informées des risques.
La qualité de l'air, un droit non négociable
Mais la vraie question est encore ailleurs. Il n'existe pas à ce jour de gouvernance mondiale en matière environnementale ni d'indice unique pour mesurer la qualité de l'air. L'OMS, instance onusienne, ne peut que rendre des rapports, émettre des avis et peser de tout son poids pour tenter d'influer sur les politiques des Etats afin qu'ils prennent les mesures indispensables pour réduire les différentes sources de pollution. Pourtant, parmi les droits inaliénable de chaque être humain vivant sur Terre, figure celui de respirer un air pur et de qualité, sans lequel il ne peut vivre...
La bataille de l'air ne fait que commencer : en 2050, notre petite planète comptera 10 milliards d'habitants et 75% d'entre eux vivront en ville. La Terre sera-t-elle encore bleue ou sera-t-elle devenue grise ?
►A SAVOIR
- L'enquête de Delphine Prunault fait aussi l'objet d'un livre : "Irrespirable, comment échapper à l'asphyxie", cosigné par la journaliste avec Alice Bomboy, coédité par Arte éditions et Tallandier, 19 €. publié aux éditions Tallallandier
►REPERES
- En France, la pollution de l'air cause 40.000 morts prématurées par an et fait perdre aux Parisiens 6 mois de leur espérance de vie. En 2013, l'OMS a classé la pollution de l'atmosphère parmi les causes directes du cancer.
►LIRE AUSSI
- Les articles de Ma Planète sur la pollution de l'air: cliquer ICI