Nitrates: après la Bretagne, les algues vertes continuent d'envahir la France
A Grandcamp-Maisy, en Normandie, les touristes s'arrêtent pour photographier les algues vertes qui ont envahi la plage, le 9 juillet 2014 - Archives AFP
L'été revient et avec lui, comme chaque année, les indésirables marées vertes. Après la Bretagne, lourdement touchée par la prolifération des algues vertes depuis une quarantaine d'années, au tour des plages de la Basse-Normandie, sur les îles de Noirmoutier, Ré et Oléron d'être envahies par la pollution végétale toxique due aux nitrates.
1.000 tonnes
"On est début juillet et déjà, on a ramassé presque 1.000 tonnes", soit l’équivalent des quantités relevées en une année il y a dix ans, se désole Serge Bigot maire de Grandcamp-Maisy, une des deux communes les plus touchées dans le Calvados. Selon l’élu, qui fait remonter l’apparition du phénomène à 2004, et son accélération à 2008, Grandcamp se retrouve certaines années avec un mètre d’épaisseur d’algues vertes par endroits et les odeurs d’œufs pourris qui vont avec. Alors il faut ramasser.
La mort du cheval
Avec 3.700 m3 environ l’an dernier, la commune normande est encore loin des 9.000 m3 de 2013 à Saint-Michel-en-grève (après 18.000 en 2012). Ce village breton est habituellement l’un des plus touchés de sa région. Un cheval y a succombé en 2009 après s’être enfoncé jusqu’à l’encolure dans un amas d’algues vertes en décomposition. La cour administrative d’appel de Nantes doit dire le 25 juillet prochain si l’hydrogène sulfuré toxique dégagé par les algues en putréfaction est bien responsable de la mort de l’animal.
La Normandie sous surveillance renforcée
La Normandie n’en est pas encore là mais le Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva) confirme y avoir observé, en avion, des "dépôts importants" et précoces dès le mois de mai, alors qu’il n’y avait encore rien ailleurs en France. Sont surtout touchés l’ouest du Calvados (Grandcamp et autour) et des communes côtières de l’agglomération de Caen. Au-delà, "depuis quelques années, les algues vertes sont de plus en plus nombreuses en Basse-Normandie, ainsi que sur les îles de Noirmoutier, Ré et Oléron", alors qu’elles auraient plutôt tendance à régresser en Bretagne, où elles commencèrent à proliférer il y a 40 ans, estime Sylvain Ballu du Ceva. Le Centre d’études, basé en Bretagne, mais qui suit le phénomène au niveau national, vient même de placer la Normandie sous surveillance renforcée (avec cinq survols au lieu de trois par an).
De nouvelles plages contaminées par deux types d'algues
Le constat de prolifération à "de nouvelles plages "a également été souligné, en janvier, par le commissariat au développement durable rattaché au ministère de l’Ecologie. En 2012, les macroalgues, principalement des ulves, qui produisent des marées vertes, ont recouvert 815 hectares de plages en Bretagne (photo ci-contre), 280 en Normandie, et 240 en Loire-atlantique jusqu’à Oléron. Faute d'équipement et de budget, beaucoup de communes ne peuvent effectuer de ramassage, à l'exception de Grandcamp en Normandie, et de la Bretagne. Selon le ministère de l'Ecologie un autre type d'algues prolifère sur les côtes françaises: les algues microscopiques, localisées des Flandres au bassin d’Arcachon et dans les lagunes de Méditerranée. Ce phytoplancton provoque des eaux colorées, avec un éventuel risque de toxicité. Ces diffférents développements peuvent avoir des impacts sur la santé en raison de la libération de toxines par les microalgues, ainsi que sur la biodiversité et l’économie. "La majorité des zones littorales est cependant dans un bon état concernant les développements d’algues", souligne le commissariat au développement durable.
Responsable: l'azote des nitrates
L’agence de l’eau Seine Normandie vient pour sa part de finaliser un document qui prévoit de demander aux agriculteurs et collectivités, une baisse de 30% des apports en azote dans l’eau de mer d’ici à la fin 2018 sur le bassin de l’Orne. Cette orientation, une première dans la région, pourrait aboutir à un arrêté préfectoral fin 2015. Car "la cause de ce phénomène breton qui commence à apparaître en Normandie c’est l’azote, issu essentiellement de l’élevage intensif, qui y augmente actuellement. Selon André Berne, le directeur de l’Agence de l’eau, "Le bassin de l’Orne est à 30 milligrammes de nitrate (composés d’azote) par litre. Il faut qu’on baisse à 20″. En Bretagne, où des objectifs sont fixés depuis 2011, la situation s'améliore : "il y a beaucoup de rivières où on a 10 mg de moins qu’il y a quelques années", assure Sylvain Ballu du Ceva.
La France est sous la menace d’une sanction de la cour de justice européenne en raison de la pollution, encore trop élevée, de ses eaux par les nitrates.
Cathy Lafon avec l'AFP
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