Frelon asiatique : la véritable histoire de l'invasion de l'insecte chinois racontée par l'ADN
Un seul individu, une femelle originaire de Chine, serait à l'origine de la fulgurante conquête d'une partie du territoire européen par le frelon asiatique, selon les conclusions d'une étude publiée par des chercheurs français, le 24 mars dernier, dans la revue "Biological invasions". Des résultats étonnants qui permettent de résoudre l'énigme de la fulgurance de l'invasion de l'insecte, mais qui constituent une bien mauvaise nouvelle pour la lutte contre le Vespa velutina, véritable fléau pour l'apiculture.
Une invasion inquiétante pour l'apiculture
Le frelon asiatique est la première espèce de frelon introduite accidentellement en France. Signalé pour la première fois en 2004 dans le département du Lot-et-Garonne, cet insecte originaire d’Asie occupe désormais les deux tiers du territoire français. Il a également été repéré en Espagne, au Portugal, en Belgique, en Italie et en Allemagne. Dans les régions les plus touchées, dont le grand Sud-Ouest, l'insecte inquiète les apiculteurs car ce prédateur d’abeilles constitue un facteur supplémentaire de déclin de leurs colonies déjà fragilisées par les parasites et les insecticides agricoles.
La preuve par l'ADN
Ce que l'on savait jusqu'à présent du frelon à pattes jaunes ou frelon asiatique, c'est qu'arrivé en France il y a plus de dix ans, il avait réussi à coloniser une grande partie du territoire métropolitain. Mais l'origine de cette invasion fulgurante, fatale pour les abeilles, intriguait et agitait depuis les chercheurs. Les scientifiques sont finalement parvenus à reconstruire l’histoire de l'introduction du frelon asiatique en France, grâce à la génétique, en comparant les caractéristiques de ces populations envahissantes à celles de populations issues de la zone d’origine du frelon asiatique.
La méthode
C'est dans le cadre d’un programme communautaire d’aide à l’apiculture européenne, qu'une équipe de chercheurs du laboratoire Evolution, Génomes, Comportement, Ecologie (EGCE - CNRS/IRD/Université Paris Sud-Saclay), de l’Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité (ISYEB – CNRS/MNHN/UPMC/EPHE) et de l’Institut Sophia Agrobiotech (ISA – CNRS/INRA/UNICE), s’est intéressée à l’histoire de l’introduction du frelon asiatique en Europe. Pour ce faire, ils ont comparé, d’un point de vue génétique, quatre populations de frelons autochtones à deux populations envahissantes provenant respectivement de France et de Corée du Sud.
Une seul scénario d'introduction
En combinant ces données génétiques aux paramètres démographiques déjà disponibles pour cette espèce, les chercheurs ont pu tester divers scénarii d’invasion. Contre toute attente, le scénario basé sur un seul événement d’introduction depuis l’Asie s’est avéré le plus probable. Son origine géographique a pu être localisée dans une zone comprise entre les provinces chinoises du Zhejiang et du Jiangsu. Celle-ci englobe à la fois la métropole de Shanghai et la ville de Yixing, renommée au niveau international pour la production de poteries. Ces résultats corroborent donc l’hypothèse selon laquelle le frelon asiatique serait arrivé en France par conteneurs de poteries chinoises importées via le port du Havre, avant d'élire domicile en Lot-et-Garonne. Les analyses montrent par ailleurs que le frelon asiatique a vu la diversité génétique de sa population diminuer drastiquement lors de son arrivée en France, entre 2001 et 2004.
Une seule et même "mère" ?
Comment dans ce cas expliquer le succès de son invasion? Pour trouver des éléments de réponses, les biologistes ont procédé à un échantillonnage génétique des nids de frelons présents dans l’Hexagone. « A partir d’un échantillon d’individus prélevés dans chacune de ces zones géographiques, nous avons non seulement mesuré la diversité génétique de chaque population grâce aux séquences d’ADN microsatellites mais aussi identifié leur origine maternelle par l’ADN mitochondrial », précise la principale auteure de ces travaux, Mariangela Arca, doctorante au sein de l’EGCE au moment de l’étude. En clair, en analysant un marqueur précis, les chercheurs ont constaté que tous les individus présents en France possédaient la même séquence ADN, et étaient donc issus d'une seule et même femelle fondatrice de la lignée.
«En permettant à l’espèce d’accroître la diversité génétique de sa descendance, ce phénomène plutôt rare chez les frelons a permis de renforcer ses capacités d’adaptation vis-à-vis de l’environnement colonisé et de contribuer ainsi à la réussite de son invasion », conclut Mariangela Arca. Autrement dit, une femelle de frelon asiatique est capable de s’accoupler avec plusieurs mâles. Ce qui rend vain l'espoir de s'en débarrasser.
►PLUS D'INFO
- Pour lire l'étude publiée le 24 mars par "Biological Invasions", "Reconstructing the invasion and the demographic history of the yellow-legged hornet, Vespa velutina, in Europe" : cliquer ICI
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- Tous les articles de Sud Ouest sur le frelon asiatique : cliquer ICI