Initiative. Un jour, les cerf-volants girondins d'Yves Parlier tracteront les cargos
Yves Parlier devant les images des bateaux tractés par voile de kite. Photo archives Sud Ouest / Sabine Menet
Un porte-conteneur géant tracté par… un cerf-volant ? Ce n'est pas une trouvaille du cinéaste japonais Myazaki, mais le pari du navigateur girondin Yves Parlier qui espère équiper, d’ici quatre ans, les paquebots de croisière, navires de grande plaisance, de pêche et autres cargos, d’ailes inspirées du kitesurf. Pour une planète plus verte et plus sobre en hydrocarbures.
Beyond the Sea
Folie douce ? Détrompez-vous. L'idée du navigateur qui détient l’un des plus beaux palmarès de la voile française, est formalisée par un projet industriel très sérieux. Inscrit dans les dossiers labellisés depuis dix ans par les Pôles Mer Bretagne Atlantique et Méditerranée, il compte parmi les projets les plus innovants au service de l’économie bleue. Beyond the Sea, c'est son nom, implanté à La Teste de Buch, en Gironde, travaille à développer le concept du kitesurf appliqué au transport maritime, comme Yves Parlier l'a expliqué en juin dernier lors du débat consacré au réchauffement climatique et à l'avenir du littoral aquitain, organisé par "Sud Ouest" en partenariat avec Surfrider, à Bordeaux, Caserne Niel.
Comment ça marche ?
Il s'agit d'équiper les bateaux d'une aile géante, sur le modèle d'une voile de kitesurf, afin de les tracter avec le vent. Objectif : économiser du carburant, pour économiser les ressources de la planète et réduire la pollution engendrée par les géants des mers, mais aussi alléger la facture des grandes compagnies de navigation et des armateurs. "Le coût du carburant représente en effet 60% du coût d'exploitation du navire", a rappelé Alain Parlier.
Bon pour la planète... et pour le portefeuille des armateurs
"Avec un kite de 320 m2 et un navire de 200 m de long, l’économie en carburant est d’environ 25% sur une traversée de l’Atlantique avec des vents favorables, soit 134 tonnes de CO2. Et quand on sait que 90% du transport de marchandises mondial se fait par voie maritime, que le transport maritime c’est 50% de la consommation d’hydrocarbures au monde et 13% des émissions de gaz à effet de serre, le calcul est vite fait en termes de réduction d’émissions de CO2", a-t-il précisé, tout sourire."Si l'argument écolo ne suffira pas à convaincre les armateurs, je suis sûr que de sérieuses perspectives d'économie y parviendront !"
Des financements et des partenaires
Beyond the sea fait partie des six projets à avoir bénéficié du premier Appel à manifestation d’intérêt (AMI), lancé par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) en 2011, dans le cadre du programme "Navires du Futur", visant à faire émerger des projets de navires propres, sûrs et plus économes. A ce titre, il a bénéficié d’une aide de 4,4 millions d’euros pour un budget de 15 millions d’euros sur quatre ans. Parmi les partenaires du projet, le centre de recherche de l’école d’ingénieurs Ensta Bretagne et l’armateur CMA-CGM, numéro trois mondial du transport maritime par conteneurs. Le groupe phocéen compte d'ailleurs mettre à la disposition de Beyond the Sea un cargo, sur une ligne régulière, afin de tester le dispositif.
Lutter contre le réchauffement climatique
"Utiliser un appoint avec le vent aurait un impact assez considérable pour réduire la pollution de CO2 et donc protéger aussi la stabilité du climat", Yves Parlier
Lancé en septembre 2014 et testé sur un chalutier de 90 tonnes, le kite d'Yves Parlier, devrait devenir, d'ici quatre ans, une aile géante de 200 m2, capable de tracter des navires de 18 à 60 mètres, essentiellement des navires de pêche ou de grande plaisance, avant la conception d’une voile encore plus énorme, de 800 m2 destiné aux cargos.
Le kite, arme fatale contre le réchauffement climatique, avenir vert du transport maritime... et de la voile ? "Si jamais je re-naviguais sur des bateaux de course, ça serait tracté par un kite !", a lancé avec humour en conclusion le navigateur, ingénieur de formation.
►PLUS D'INFO
- D'autres systèmes de propulsion éoliens sont étudiés dans le monde. Il y a notamment celui qui consiste à équiper des cargos d’ailes rigides rétractables ou la technique dite des "rotors Flettner, connue depuis près d’un siècle mais qui n’a jamais vraiment abouti si ce n’est sur l’Alcyone du commandant Cousteau. La société allemande SkySails a déjà équipé quatre cargos de ce type d’ailes, les premiers et seuls à l’avoir été jusqu’à ce jour dans le monde, selon elle. Selon Stephan Wrage, directeur de la société, « Dans de bonnes conditions de vent, le système permet d’économiser jusqu’à 10 tonnes de fioul par jour soit plus de 5.000 dollars et plus de 30 tonnes d’émissions de CO2."