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Le nucléaire est-il la seule énergie vraiment durable pour Ségolène Royal ?

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La ministre de l’Energie Ségolène Royal en visite sur le site de la centrale nucléaire de Civaux (Vienne), le 25 août dernier. Archives AFP / Xavier Léoty

"Il faut bâtir de nouvelles centrales nucléaires". Au moins, cela a le mérite d'être franc, à défaut d'être cohérent et écologique. Avec son style bien à elle, Ségolène Royal s'est prononcée mardi 13 janvier, dans un entretien publié par le magazine spécialisé Usine Nouvelle, pour la relance du nucléaire, claquant la porte à la sortie de la France du nucléaire.

Vous avez dit "transition énergétique" ?

ministre de l'ecologie,relance,nucleaireAlors voilà. Une fois de plus, c'est le chamboule-tout, on ne sait plus où on en est. La France s'est engagée récemment à fermer ses plus vieux réacteurs, comme ceux de Fessenheim (photo ci-contre), pour des raisons de coût et par mesure de sécurité. La France s'est aussi engagée à ne plus construire de réacteurs nouveaux pour se substituer à ceux qu'elle va fermer et démanteler, afin de réduire de 75% à 50% la part du nucléaire dans le mix énergétique tricolore à l'horizon 2025.  Pas pour faire plaisir aux écolos. Mais pour favoriser les énergies décarbonées, ménager les ressources d'énergies fossiles et développer les renouvelables, les plus durables, les plus écologiques et les plus sûres de toutes les sources d'énergies. Bref, préparer un avenir climatiquement correct qui nous permette d'assurer aussi notre indépendance énergétique en développant la croissance verte et de nouveaux emplois dans de nouvelles filières industrielles. Tout ce beau programme étant contenu dans une loi, votée en décembre dernier à  l'Assemblée, et bientôt examinée par le Sénat : la loi sur la transition énergétique, portée justement par la même Ségolène Royal, qui a prévu de limiter également la capacité nucléaire de la France à 63,2 gigawatts, son niveau actuel.

Assurer la sécurité du nucléaire

Et voilà que, patatras, nos dernières certitudes s'effondrent : Ségolène Royal, en pleine crise post-attentat, déclare qu'il est nécessaire de construire de nouveaux réacteurs nucléaires en France pour remplacer certaines vieilles centrales. Le motif ? Assurer la sécurité du nucléaire, dont l'industrie est "un atout" dont la France "ne peut se priver" : "Il faut programmer la construction d’une nouvelle génération de réacteurs, qui prendront la place des anciennes centrales lorsque celles-ci ne pourront plus être rénovées", a déclaré la ministre de l’Ecologie et de l’Energie. Donc, le nucléaire, on le réduit et on ne le réduit pas. On en sort, mais on n'en sort pas. Il suffit d'aimer cultiver le paradoxe.

ministre de l'ecologie,relance,nucleaireMontebourg en avait rêvé, Ségolène l'a fait

C’est la première fois qu’un membre du gouvernement évoque (ose évoquer ?) la possibilité de construire de nouveaux réacteurs en France. Venant de Ségolène Royal, il s’agit aussi d’un revirement de taille. Pendant la primaire socialiste en 2011, elle avait exprimé le souhait de ramener le nucléaire "à une énergie d’appoint" et s’était prononcée pour une sortie du nucléaire en France à « échéance de 40 ans maximum ». Elle promettait même l’abandon de la construction de lEPR de Flamanville (Manche, photo ci-dessus) et la reconversion du site. Parole, paroles, paroles... Voilà pour la partie éthique en politique. Si cela intéresse encore quelqu'un.

Nucléaire-fiction

Techniquement, on se perd donc en interrogations. Que pourrait bien être cette "nouvelle génération de réacteurs" évoquée par la ministre, alors que l’EPR en construction à Flamanville et en Finlande, apporte chaque jour une démonstration de fiasco économique, financier et industriel ? On en est à 8,5 milliards d'euros par EPR et les mises en production sont sans cesse retardées. "Propose-t-elle de parier sur une hypothétique génération de nouveaux réacteurs qui n’existe que sur le papier ?", s'interroge, non sans malice, le Réseau sortir du nucléaire.

Mais pourquoi tant d'incohérence ?

ministre de l'ecologie,relance,nucleaire"Pourquoi de nouveaux réacteurs nucléaires, si l'idée c'est de commencer par économiser l'électricité, comme le prévoit la loi sur la transition énergétique et de faire monter en puissance les renouvelables?", se demandent les existentialistes, forcément en quête de sens. " Et où les mettra-t-on, et que fera-t-on de leurs déchets?", se demandent les pragmatiques ? Avec ses 58 réacteurs répartis sur 19 sites, la France est le pays au monde qui compte déjà le plus de centrales nucléaires au km2. Restera-t-il encore des surfaces naturelles dans notre beau pays en 2100 ? "Et en cas d'accident, ou d'attentat, on fait comment?", s'interrogent les anxieux. "Et puis, comment va-ton les financer, vu le coût déjà pharamineux d'entretien du parc existant et de sa remise à niveau post-Fukushima (55 milliards d'euros d'ici à 2025) ?", osent les radins. Ce sont des installations extrêmement coûteuses, pour un prix du kilowattheure très cher et pour un uranium importé. "Comment va-t-on financer parallèlement le développement des renouvelables ?", rêvassent les naïfs. Enfin, question ultime des écolos : "Mais comment peut-on être aussi incohérent ?"

Rester durablement... dans l'atome  ?

ministre de l'ecologie,relance,nucleaireLe fin mot de l'histoire pourrait venir du Commissariat à l'énergie atomique. "A l'horizon 2050-2055, toutes les centrales qui existent auront été arrêtées", faisait remarquer en avril 2014 Bernard Bigot,  administrateur du CEA. Or, rappelait-il aussi, il faudra maintenir l'objectif de 50% de nucléaire en 2050. Car, ce qui nous avait échappé, benêts que nous sommes, c'est que ce seuil de 50% n'était pas un objectif intermédiaire vers une sortie de l'atome ! Et donc, il faut se mettre à construire dès à présent de nouveaux réacteurs avant que les anciens ne ferment. CQFD. Combien ? 35, précise M. Bigot.  Ah. En fait, on avait mal compris. La seule énergie durable, pour Ségolène Royal,  ministre de l'Ecologie, c'est le nucléaire !

Si les écolos s'agacent une fois de plus, tout en doutant sérieusement de la capacité de la France à donner corps aux déclarations de la ministre de l'Ecologie, pour les professionnels de la filière nucléaire la déclaration de la ministre est une vraie bénédiction. Les entreprises françaises du secteur, EDF et Areva en tête, ne vont pas bien.  Elles sont victimes d'un marché de l’atome dont le mieux que l'on puisse dire est qu'il est "morose" au niveau mondial. A défaut d'être durable, l'effet Royal a été immédiat : à la Bourse de Paris, l’action d’EDF a clôturé le 13 janvier avec un bond de 5%, s’installant en tête de l’indice CAC 40 en hausse de 1,47%.

Cathy Lafon

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