La puissance cumulée des éoliennes installées dans l'Union européenne a atteint la barre symbolique des 100 gigawatts (GW), a annoncé le 26 septembre dernier l'Association européenne de l'énergie éolienne (EWEA) sur son site internet. Pendant ce temps-là, en France, l'éolien patine.
L'éolien européen : une énergie renouvelable à la croissance exponentielle
Une telle capacité permet de produire en Europe, en une année, de quoi alimenter en électricité 57 millions de foyers, souligne l'EWEA qui rajoute aussi qu'il aura fallu vingt ans au secteur pour atteindre les 10 premiers GW, mais seulement treize ans pour mettre en fonctionnement les 90 GW suivants. Par ailleurs, la moitié des capacités existantes ont été installées ces six dernières années. Une croissance exponentielle, comme le montre l'infographie publiée par EWEA (ci-contre).
Une économie annuelle de 300 millions de tonnes de CO2
Les éoliennes ne fonctionnant pas en permanence, la capacité installée n'est pas directement équivalente à des moyens de production d'électricité classiques. Mais d'après l'EWEA, 100 gigawatts éoliens peuvent tout de même produire autant d'électricité en une année que 62 centrales à charbon, 39 réacteurs nucléaires ou 52 centrales à gaz.
Alors, du vent, l'éolien ?
Pas vraiment. Selon un autre calcul de l'association : pour produire autant d'électricité avec du charbon, il faudrait en consommer 72 millions de tonnes, et cela émettrait plus de 200 millions de tonnes de CO2. En ayant recours au gaz, il faudrait en brûler 42 millions de mètres cubes, ce qui émettrait près de 100 millions de tonnes de CO2.
Une énergie créatrice de richesses économiques et d'emplois verts
"Malgré l'utilisation d'une infime partie des vastes ressources européennes en vent, ce type d'énergie a déjà un impact considérable sur la sécurité énergétique de l'Europe et sur l'environnement, avec d'autres avantages comme la création d'emplois verts et l'exportation de technologies", précise Christian Kjaer, le directeur de l'EWEA. Pour ceux qui en douteraient encore, l'éolien a bien toute sa place dans l'avenir du développement des énergies renouvelables. Dans le monde et en Europe.
Et en France ? Les éoliennes ont-elles encore un avenir ?
Sur les dix plus gros parcs éoliens terrestres en Europe, cinq se trouvent au Royaume-uni, deux au Portugal, un en Roumanie, un en Autriche et un en Espagne. Aucun en France.
Selon France Energie Eolienne (FFE), il manque encore 3.000 MW d'éolien offshore pour 2020, pour atteindre les objectifs fixés par le précédent gouvernement français en terme d'énergies renouvelables. Et selon la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, il en manque 12.130 sur tout l'éolien, pour être dans les clous du Grenelle dans 8 ans. C'est à dire demain.
L'Aquitaine, zone blanche de l'éolien
Depuis deux ans, les pâles des éoliennes tricolores tournent au ralenti. Voire ne tournent pas du tout, comme en Aquitaine, seule région de France avec l'Alsace à pouvoir s'enorgueillir (ou regretter, c'est selon), de ne posséder aucune éolienne sur son territoire... Les vents contourneraient donc l'Aquitaine et l'Alsace, comme le nuage de Tchernobyl s'était arrêté aux frontières de la France ?
Tour d'horizon des freins à l'éolien
Les obstacles sont multiples : recours de plus en plus nombreux, démarches administratives kafkaïennes, flou sur les tarifs de rachat d'électricité, oppositions croissantes d'élus et d'associations... Compte tenu de l'importance économique majeure que représente pour la France l'enjeu du développement des filières industrielles de l'éolien et des énergies renouvelables, on peut le dire : c'est du grand n'importe quoi, souvent dominé par l'absurde. Denis Baupin, député écologiste de Paris le déplore : "Il faut aujourd'hui huit ans pour construire une éolienne en France, alors qu'il n'en faut que quatre dans le reste de l'UE". Certaines demandes ont été déposées il y a presque plus de dix ans... On croit rêver. Même la construction d'un site nucléaire de pointe comme un EPR irait (presque) plus vite...
Les obstacles à la mode : du radar au soupçon de conflit d'intérêt
Faut-il vraiment choisir entre une alerte tempête de Météo France et de l'électricité produite par une éolienne ? On aimerait croire que non. D' autant que ce ne sont pas des éoliennes qui ont empêché de voir venir Xynthia, Klaus, Martin et les autres... Pas plus que le tsunami qui a ravagé Fukushima au Japon. Et comment font les autres pays du monde et de l'Europe qui ont développé l'éolien ? Ils ne prévoient plus les tempêtes, les cyclones, les ouragans et les typhons ? De l'argument du radar, très en vogue pour freiner l'éolien sur le littoral (près de 3.000 mégawatts potentiels seraient ainsi bloqués à cause des radars), au soupçon de conflit d'intérêt pour les élus qui auraient voté l'installation d'éoliennes pour des "intérêts personnels ou familiaux", ultra tendance aujourd'hui, en passant par le front gaullo-communiste des zélés adorateurs de la nature au Parlement, qui refusent de voir la France transformée en un "immense ventilateur" (sic), mais défendent en choeur le nucléaire et le monopole de l'Etat en matière d'énergie qui va avec, la palette des freins à l'éolien est large. Trop large pour que la filière industrielle y survive.
Des mesures urgentes pour relancer l'éolien
Les faits sont têtus et, en dépit d'oppositions idéologiques, l'éolien reste bien aujourd'hui l'énergie renouvelable la plus compétitive pour produire de l'électricité en luttant contre les émissions de gaz à effet de serre. Voilà pourquoi l'actuel gouvernement a dû faire voter en urgence par l'Assemblée nationale, dans la nuit du jeudi 4 au vendredi 5 octobre, un texte favorisant le développement des éoliennes dans les DOM-TOM, ainsi qu'une simplification des procédures. Car la transition énergétique voulue par la France, c'est d'abord le développement massif des énergies renouvelables et les filières industrielles qui vont avec. Ca, c'est le b.a.-ba. Simplifier les procédures administratives devrait relancer les 180 entreprises françaises du secteur, rassurer leurs 11.000 salariés et leurs banquiers, et permettre au pays de rattraper son immense retard dans un secteur industriel énergétique, classé "d'avenir" dans le monde entier, tout en créant de nombreux emplois "verts", particulièrement bienvenus à l'heure des désastres industriels automobile, sidérurgique, etc.
La fin des zones de développement de l'éolien
Parmi les principales solutions concrètes portées par la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho figure en bonne place la suppression du principe des zones de développement de l'éolien (ZDE), inutiles et sources de contentieux. Selon la ministre, les schémas régionaux éoliens sont suffisants pour planifier les projets qui resteront soumis à enquête publique et étude d'impact. Et le développement de l'éolien dans les DOM-TOM, où produire de l'électricité avec le vent coûtera deux fois moins cher qu'avec des hydrocarburse et réduira nos émissions de gaz à effet de serre.
"Un premier pas dans la bonne direction"
Pour Jean-Yves Grandidier, secrétaire général de France Energie Eolienne (FFE) et patron de Valorem, développeur et exploitant d'éoliennes installé à Bègles (Gironde), l'action gouvernementale va dans le bon sens: "C'est un premier pas dans la bonne direction pour relancer la filière et permettre la transition écologique et énergétique. Après dix années plutôt dures, on pourrait bien voir enfin le bout du tunnel". "Mais, ajoute-t-il, il faut aller plus loin et, notamment, introduire aussi en métropole l'assouplissement des procédures voté début octobre pour les DOM-TOM, tout en faisant le ménage dans les inombrables procédures en cours". Une position qui résume celle de la filière, rappelée le jeudi 18 octobre à Paris lors du Colloque national éolien.
Modifier le cadre juridique : une priorité
Des tarifs subventionnés de l'électricité éolienne sous la menace d'une annulation en justice, des banques qui arrêtent de prêter, des licenciements en vue: l'éolien français a de nouveau appelé à l'aide hier, mais le gouvernement ne sait pas comment résoudre le casse-tête. Traîné en justice par le collectif anti-éolien"Vent de Colère", l'arrêté ministériel établissant le "tarif d'achat" de l'électricité éolienne terrestre, c'est-à-dire le prix fixé par l'Etat auquel EDF rachète le courant produit par le vent, est en effet menacé d'annulation. En résumé, la filière éolienne attend un assouplissement de la réglementation et espère un redémarrage du secteur en 2013. Tels sont les principaux messages d'une enquête de GreenUnivers réalisée pour la FEE, présentée hier au colloque national. Selon cette enquête, 55 % des entreprises de la filière jugent que la modification du cadre juridique est une priorité. En tête des mesures les plus attendues, la révision de la règle des 5 mâts - qui oblige à installer des parcs d'au moins 5 turbines - est demandée par 76 % des dirigeants. Son abandon a été voté à l'Assemblée nationale, mais doit encore être entériné par le Sénat.
Le texte Batho sur l'éolien, voté en urgence début octobre par les députés ? Le minimum, donc. Ces mesures seront-elles suffisantes pour redonner le sourire à l'éolien français et lui permettre de jouer à égalité avec les grands acteurs mondiaux du secteur, afin de devenir une alternative industrielle énergétique de choix et durable, face aux énergies fossiles, dont le charbon, et au nucléaire ? Ou pas ? On devrait vite le savoir.
Cathy Lafon
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Les chiffres de l'éolien en France
- Puissance installée : 6 640 MW
- Eoliennes : environ 4 058
- Electricité produite : 11,9 TéraWattheures en 2011
- Production : 2,5% de la consommation France en 2011
- Emplois : environ 11 000
- Emissions de CO2 évitées : 3,13 millions de tonnes en 2011
(Données à janvier 2012 - Sources RTE et SIER)